Septante ans après sa mort, l’auteur d’Aline et de Derborence s’avère d’une étonnante modernité
Texte: Natacha Rossel et Caroline Rieder Vidéos: Natacha Rossel Publié le 20 mai 2017Par son écriture faussement naïve, sa narration multipliant les points de vue, son style poétique mêlé de rudesse, Charles Ferdinand Ramuz a indéniablement marqué la littérature francophone du siècle dernier. Septante ans après sa mort (le 23 mai 1947), celui qu’on accusait jadis de «mal écrire exprès» a-t-il encore une place sur nos tables de chevet, ou est-il relégué au rang de classique, très souvent cité mais peu lu? La récente – et houleuse – entreprise de publication de ses Œuvres complètes dans la prestigieuse Pléiade (Gallimard) et aux Editions Slatkine, a permis de remettre en lumière l’ampleur et la diversité des écrits ramuziens.
Pour les spécialistes, l’auteur ne se résume en rien à une œuvre du terroir devenue désuète. Ils le placent même parmi les plus grands écrivains francophones du XXe siècle. «Il est l’un des fondateurs de la modernité littéraire romande, avec les Cahiers vaudois (1914) puis la revue Aujourd’hui (1930-1931). Il a inventé une formule littéraire complexe, inspirée d’un rapport au lieu, mais dialoguant avec la littérature française la plus contemporaine», constate Jérôme Meizoz, professeur associé à l’Université de Lausanne (UNIL), qui a pris part à l’élaboration des deux éditions complètes.
Son style si particulier, affranchi des carcans grammaticaux et littéraires, a marqué beaucoup de ses contemporains. «En privilégiant une écriture visuelle, oralisée, rythmique, qui se rapproche du poème en prose, il était proche d’auteurs novateurs de l’époque comme Charles Péguy et Paul Claudel, poursuit-il. Il a été un modèle pour Céline puis Aragon, ou Robert Pinget. Toute une génération a ensuite dû se situer par rapport à lui, il a influencé notamment Alice Rivaz, Maurice Chappaz ou Philippe Jaccottet.» Stéphane Pétermann, responsable de recherche au Centre de recherches sur les lettres romandes (CRLR) ajoute une nuance: «D’autres écrivains, Maurice Zermatten notamment, se sont directement inspirés de Ramuz, mais ont souvent échoué. On tombe vite dans la caricature.»
Ramuz reste malgré tout assimilé à cette veine régionaliste auprès du grand public. Il a pourtant bien «marqué une rupture en Suisse romande, apparaissant comme s’étant extrait de la littérature patriotique, moraliste et régionaliste, rappelle Stéphane Pétermann. Ce n’est pas parce que l’on s’inspire d’un coin de pays que l’on défend forcément une identité ou des valeurs qui s’y rattacheraient.»
Le Vaudois n’a pas marqué que ses contemporains et successeurs. Son œuvre suscite toujours l’admiration. L’éditrice Caroline Coutau (Zoé) évoque «une écriture dont la vigueur, le rythme et la mélodie me transportent, et des histoires qui parlent au fond de l’âme.» Tandis que l’écrivain Michel Layaz relève «sa langue à nulle autre pareille, sa faculté de mettre la nature en images, l’efficacité de ses comparaisons et métaphores.» Il avoue néanmoins parfois aussi être agacé «par son perpétuel esprit de trop grand sérieux.»
C’est une œuvre dressée contre la mort
Ramuz se révèle aussi d’une étonnante actualité. Jérôme Meizoz souligne «que sa modernité formelle n’est pas épuisée, par exemple par son écriture quasi cinématographique, par l’attention aux humains, aux animaux, au monde, et la poésie âpre de ses descriptions». Il relève aussi «son regard emprunt de compassion sur le destin des femmes et des hommes empêtrés dans l’existence.»
L’auteure genevoise Sylviane Dupuis encense le caractère universel de ses écrits. Cette habileté à tirer le général du particulier. «C’est une œuvre dressée contre la mort. Charles Ferdinand Ramuz, dont le prénom était composé de ceux de ses deux frères décédés avant sa naissance, était hanté par l’idée que le néant l’emporte. C’était un homme fondamentalement tragique.» Un aspect que souligne aussi l’écrivain lausannois Roland Buti: «La thématique de l’homme seul confronté à une nature de catastrophes est très moderne et me semble proche de nos angoisses actuelles».
Enfin, la prolifique production ramuzienne n’a pas encore révélé toutes ses richesses. «Il reste de nombreux aspects peu ou pas connus de l’écrivain, rapporte Daniele Maggetti, professeur au CRLR. Les romans qu’il n’avait pas publiés, parus dans les Œuvres complètes, révèlent une vision contrastée de son rapport au monde.» Un travail conséquent de mise à disposition de ses écrits qui doit maintenant se diffuser.
Le cap des 70 ans après la mort d’un auteur marque également le passage de son œuvre dans le domaine public, qui interviendra en janvier prochain. S’il est trop tôt pour prédire son impact, Stéphane Pétermann espère que «ce sera l’occasion de faire circuler à nouveau ses textes, notamment les moins connus. Ceux-ci pourraient faire l’objet d’éditions de poche, par exemple». Comme Une Main: «Une très belle réflexion sur l’être humain». Et une preuve de plus de l’universalité de Ramuz.
Erigés au rang de classiques, les écrits de Ramuz sont souvent étudiés dans les écoles et les gymnases vaudois
Texte: Caroline Rieder et Natacha RosselSi Ramuz ne constitue pas une lecture obligatoire pour les gymnasiens, comme aucun autre auteur d’ailleurs, il se retrouve souvent au programme des dix gymnases du canton. L’an passé, l’auteur a été choisi comme lecture commune pour la maturité au Gymnase du Bugnon à Lausanne, avec La Beauté sur la terre, l’une des œuvres les plus lues en classe, et L’Amour du monde. Derborence, Farinet, Passage du poète ou Vie de Samuel Belet sont aussi souvent abordés. Tandis qu’Aline est parfois même au programme au secondaire I.
Yves Renaud, chargé d’enseignement de la didactique du français à la HEP, et professeur au Gymnase de Morges, évoque un regain d’intérêt pour ce monument à l’école, notamment suite aux publications récentes. L’adaptation de L’Histoire du soldat au théâtre par Omar Porras a selon lui aussi redonné une actualité à l’auteur. Tout comme le fait que plusieurs des chercheurs qui ont œuvré sur le «chantier Ramuz» à l’UNIL sont aujourd’hui enseignants au gymnase.
S’il est lu comme auteur romand, il a aussi le statut d’écrivain classique: «Les élèves l’abordent à l’égal d’un Baudelaire ou d’un Hugo, c’est-à-dire de n’importe quel grand auteur qu’ils s’attendent à étudier au gymnase». Une œuvre qui comporte certes certaines difficultés: «Les personnages sont souvent saisis d’abord par des «ils», «elles» avant d’avoir un nom ou un prénom», remarque Noël Cordonier, ancien enseignant de la didactique du français à la HEP, qui a aussi collaboré au «chantier Ramuz». En plus des changements de points de vue ou des intrigues parallèles, il relève aussi une lecture complexifiée par le fait que «Ramuz préfère les périphrases sensibles aux mots précis ou scientifiques».
Stéphane Pétermann admet ainsi volontiers que ce qui passionne les universitaires peut poser problème aux jeunes lecteurs, et qu’il est important d’accompagner leur approche. «Il vaut la peine de fouiller ces textes, de les déplier devant les élèves, abonde Sylviane Dupuis. C’est par exemple intéressant pour eux, alors qu’on leur a appris à manier l’imparfait et le passé composé, de découvrir comment Ramuz casse les codes de la langue pour la réinventer.»
Qu’on puisse, en Suisse, passer un baccalauréat sans avoir lu ni Ramuz ni Dürrenmatt ni Cendrars ni Frisch me paraît incompréhensible
Du côté des thèmes, le monde rural dépeint dans ses livres semble à mille lieues de la vie des gymnasiens. Son universalité les touche pourtant: «Cette nature qui résiste à l’homme, et qui le punit parfois, fait écho aux préoccupations écologiques actuelles. De même, l’idée que la beauté se révèle insupportable à ceux qui la regardent en face, comme celle de Juliette dans La beauté sur la terre, leur parle énormément, poursuit Yves Renaud. Ils peuvent percevoir aussi dans L’amour du monde, (ndlr: où l’arrivée d’un cinéma offre l’accès à un univers inconnu), la préfiguration des bouleversements dus à l’irruption du Web».»
L’écrivain vaudois Michel Layaz regrette pour sa part que la fréquentation de Ramuz dépende du bon vouloir de l’enseignant, et verrait d’un bon œil l’instauration de lectures obligatoires: «La rupture esthétique qu’impose Ramuz mérite d’être connue. Aujourd’hui encore, aucun jeune ne sort indemne de la lecture d’Aline ou de Jean-Luc Persécuté. Qu’on puisse, en Suisse, passer un baccalauréat sans avoir lu ni Ramuz ni Dürrenmatt ni Cendrars ni Frisch me paraît incompréhensible.»
Auteur prolifique, Ramuz a écrit pour le théâtre et entretenait des liens étroits avec la musique
Texte: Gérald Cordonier et Matthieu ChenalA la liaison contrariée qu’entretient l’œuvre de Ramuz avec le grand écran s’oppose celle plus heureuse tissée par l’auteur vaudois avec les planches. Son Histoire du Soldat, mélodrame musical cosigné avec Stravinski, est entré au rayon des classiques de l’art dramatique mondial. Et, au fil des décennies, l’ancien critique de théâtre, romancier-poète prolifique, a conquis gentiment mais sûrement comédiens et metteurs en scène.
Le Teatro Malandro a signé une adaptation colorée de "L'Histoire du soldat", dans une mise en scène d'Omar Porras. Elisabeth Carecchio
Certes, il a peu écrit pour la scène. Mais ses textes ont su trouver une place sur des plateaux ou sous des tréteaux, au gré de projets professionnels – emmenés par des François Simon ou des Jacques William – ou d’ambitions d’amateurs, à l’instar de La Séparation des races adaptée par le chanoine Louis Poncet en 1939 à Finhaut ou La Grande Guerre du Sondrebond promenée en grande tournée estivale, en 1957, par la célèbre compagnie lausannoise des Faux-Nez. Ces deux spectacles n’ont-ils pas participé à l’intronisation du Vaudois comme source indémodable de grands spectacles populaires? Au tournant des années 1990, son Farinet devenait, ainsi, le héros récurent d’étés sédunois. En août 2009, c’est son Garçon Savoyard qui tenait l’affiche à Cully.
Sur la scène contemporaine depuis quelques années, Ramuz a trouvé de très fidèles alliés. A Omar Porras et son Teatro Malandro, installé désormais au TKM à Renens, L’Histoire de soldat a valu un succès incontestable, en 2003 et en 2015. Le metteur en scène a trouvé dans cette partition et ce texte bientôt centenaires l’un des poèmes emblématiques qui a forgé l’image de sa troupe, aux frontières des formes spectaculaires, entre musique, danse, théâtre.
Le metteur en scène Mathieu Bertholet a porté sur scène, en 2014, le célèbre roman «Derborence», en repectant au plus près la langue de Ramuz. Samuel Rubio/Théâtre de Vidy
Mais s’il est un des metteurs en scène romands qui s’est le plus souvent plongé dans la matière ramuzienne, c’est Denis Maillefer. Du Passage du poète et de La Beauté sur la terre portés sur scène au début des années 1990 aux nouvelles autour desquelles il a construit trois différents spectacles entre 1992 et 2010. «Salutations Paysannes et L’Amour de la Fille et du Garçon sont, pour moi, les plus beaux textes jamais écrits, confie le Vaudois. Ramuz est un écrivain qui m’accompagne depuis longtemps. Il donne à voir et à entendre, s’intéresse au langage et a un sens incroyable de l’oralité. Ce n’est pas étonnant de constater qu’il est plus facile de le transposer sur les planches qu’au cinéma. A l’écran, dans la bouche de comédiens qui doivent viser au réalisme, ses romans tombent facilement dans les clichés que précisément il ne voulait pas véhiculer. Qui plus est avec des scénarios souvent très ténus. Sur scène, par contre, sa langue peut être livrée comme un geste. Ses textes donnent des spectacles, certes, très textuels mais ils constituent un matériau tout à fait théâtral, passionnant pour qui s’intéresse au langage.»
La langue ramuzienne est également ce qui a passionné le Genevois d’origine valaisanne, Mathieu Bertholet. Le metteur en scène qui dirige le Théâtre du Poche a porté récemment sur scène le monologue Berthollet et, surtout, le célèbre Derborence. Deux textes qu’il a choisi de restituer en version chorale et de manière brute, respectant le style indirect comme les ruptures, pour ne rien sacrifier de la modernité de l’auteur vaudois. Car, observe-t-il, «en amenant le roman vers le récit, vers quelque chose qui raconte l’histoire de l’intérieur, Ramuz a fait le même travail dans l’écriture littéraire que celui réalisé par Brecht dans l’écriture du théâtre. Au-delà de l’universalité de ses thèmes, il est d’une modernité surprenante: dans les années 1920 déjà, il réalise, sans se poser de questions, des audaces narratives que les auteurs ont réfléchi dans les années 50 avec le nouveau roman.» G.CO.
«L’Histoire du Soldat devait être une affaire, et une bonne affaire: elle n’a jamais été une bonne affaire, ni même une affaire tout court.» Ainsi s’exprime Charles Ferdinand Ramuz dans ses Souvenirs sur Igor Stravinski à propos de la pièce qu’il cosigne avec le compositeur russe. Pourtant, l’Histoire du Soldat a été la grande affaire de l’année 1918 pour Ramuz et Stravinski et cette «Histoire lue, jouée, mimée et dansée» est entrée de manière indiscutable et définitive dans l’histoire de la musique.
L’échec que pointe l’écrivain tient surtout au fait que la tournée initialement prévue avait dû être annulée à cause de la grippe espagnole, juste après la première représentation, le 28 septembre 1918 au Théâtre Municipal de Lausanne. Mais à bien y regarder, cette création est une chose véritablement unique au XXe siècle, couronnant une collaboration féconde entre l’écrivain vaudois et le compositeur russe sur des adaptations en français des compositions chantées en russe de Stravinsky (Noces, Renard, chants russes). Tout ce corpus né pendant l’exil vaudois de Stravinski (1912-1920) constitue de fait la seule contribution significative de Ramuz à la musique.
S’il n’y a aucun doute que la peinture ait joué un rôle crucial chez lui, y compris dans ses romans, la musique passe clairement au second plan. «Je me trouvais, par malheur, être tout le contraire d’un homme averti», écrit-il en préambule à ses Souvenirs. Même s’il se présente comme un «vigneron sans vignes» face au musicien célèbre qu’était déjà Stravinsky lors de leur première rencontre en 1915, Ramuz n’est de loin pas un ignare. Comme le rappelle Alain Rochat, grand connaisseur de l’écrivain, «entre 1903 et 1914, Ramuz passait la moitié de l’année à Paris, il était très au fait de la modernité». Il était aussi proche d’Ernest Ansermet qui avait mis en musique en 1914 son recueil de Chansons et c’est d’ailleurs le chef d’orchestre qui réunit les deux hommes (et qui dirigera la création de L’Histoire du soldat).
Le peintre René Auberjonois a dessiné les décors de L'Histoire du soldat. Ici, "Soldat, diable et princesse" (exposé dans le cadre de l'exposition "Symbolisme, Sortilèges de l'eau" à la Fondation Pierre Arnaud en 2015). François Bertin/Fondation Pierre Arnaud
Cette rencontre essentielle, existentielle même, marquera Ramuz peut-être davantage sur le plan esthétique et éthique que musical: «Vous m’avez appris, en étant vous-même, à être moi-même», écrira-t-il au musicien. Une affirmation qu’Alain Rochat comprend ainsi: «L’exemple de Stravinsky cherchant une expression qui ne correspond pas à la norme sociale actuelle a conforté Ramuz dans ce qu’il sentait instinctivement et l’a poussé à aller jusqu’au bout de sa démarche.» Philippe Girard, enseignant et chef d’orchestre a collaboré étroitement avec Alain Rochat sur l’histoire de L’Histoire du soldat et sur la relation très particulière entre les deux auteurs: «Il faut s’imaginer que Stravinsky est un catalyseur, une bombe humaine, une formidable source d’énergie pour Ramuz! Ce Russe fou apporte une sorte de liberté et déclenche en lui une réflexion plus vaste sur l’écriture.» C’est dans cette direction qu’il faut peut-être comprendre l’envol lyrique de Ramuz: «Ce pays était sans prestige, vous lui en avez conféré un!»
La formule est évidemment exagérée. Néanmoins, il est certain que la présence en Suisse du «météorite Stravinsky», comme le dit joliment Alain Rochat, avait fédéré autour de lui des énergies nouvelles, en réunissant par exemple autour du spectacle de L’Histoire du soldat toute l’avant-garde régionale, comme le peintre René Auberjonois pour les décors, les Pitoëff pour la mise en scène et la chorégraphie, Ernest Ansermet pour la direction musicale, Jean Villard (futur Gilles) dans le rôle du Diable, et le soutien généreux du mécène de Winterthour, Werner Reinhart. «Au final, poursuit Philippe Girard, ils ont inventé quelque chose de si novateur que ça aurait pu être écrit aujourd’hui, quelque chose qui n’a pas eu de descendance, tant sur le point de la musique de scène que du mélodrame, et aussi sur l’autonomie entre texte, musique et image. L’Histoire du soldat raconte, elle n’illustre pas.»
Par un phénomène de contamination intime, Ramuz se sent devenir russe alors que Stravinsky devient vaudois. On voit par là que la rencontre des deux auteurs est d’abord l’histoire d’une amitié intense pendant cinq ans, dont la trace est indélébile. «J’ai lié connaissance avec vous dans et par l’espèce du plaisir que je vous voyais prendre aux choses, et les plus «humbles» comme on dit, et en tout cas les plus élémentaires; notre première entente a été une certaine espèce et une certaine qualité de délectation, où tout l’être est intéressé.» L’osmose est quasi-totale: «Je devenais musicien à mon tour, lit-on encore dans les Souvenirs, je me sentais me rapprocher de vous et de la musique devant le pain, devant le vin». Ce goût de l’élémentaire et de la pureté, on le retrouve dans la musique dégraissée jusqu’à l’os et la rugosité du texte de L’Histoire du soldat. M.CH.
Avec une vingtaine d’adaptations, Ramuz est l’auteur suisse qui a inspiré le plus grand nombre de films ou de téléfilms, réalisés par ses compatriotes, mais aussi par des cinéastes russes, français ou italiens. Ce bilan paraît surprenant pour une œuvre réputée difficilement transposable, avec «de faux bons sujets cinématographiques puisque leur intérêt tient moins à leur trame dramaturgiquement mince qu’à leur style unique», observait, en 1987, Hervé Dumont dans son Histoire du cinéma suisse. Le langage cinémato-graphique a influencé l’écriture du Vaudois. Très vite, Ramuz a cherché à comprendre ses spécificités, que l’on peut retrouver dans son goût pour les variations de points de vue. Dans L’amour du monde (1925), il parodie même la forme du scénario. La liaison entre son œuvre et le 7e art a longtemps été maudite, enchaînant gros échecs commerciaux (Rapt, 1933, tourné à Lens et dans lequel l’auteur fait de la figuration, L’or dans la montagne (Farinet) 1939), projets avortés, tournages interrompus… Ce n’est qu’après 1965 et en grande partie grâce à la télévision, que ses adaptations ont obtenu des succès critiques ou publics. Parmi les titres phares: Jean-Luc persécuté (Goretta, 1966), La beauté sur la terre (P.Cardinal, 1968), Derborence (Reusser, 1985), Si le soleil ne revenait pas (Goretta, 1987) ou encore La guerre dans le Haut-Pays (Reusser, 1998) G.CO.